
Un système d’alarme mal conçu coûte cher en fausses alertes et en failles de sécurité ; la solution réside dans un écosystème intelligent qui qualifie la menace avant de réagir.
- La fiabilité repose sur la double détection et le choix de capteurs spécialisés pour chaque zone de risque (périmètre, enveloppe, intérieur).
- La réponse (locale, télésurveillée, mobile) doit être alignée sur les exigences légales et assurantielles québécoises, notamment les normes ULC.
Recommandation : Auditez votre configuration actuelle non pas sur le nombre de détecteurs, mais sur leur capacité à travailler ensemble pour filtrer les fausses alertes et garantir une réponse proportionnée à une menace réelle.
Pour de nombreux propriétaires de commerces et d’entrepôts au Québec, le système d’alarme est une case à cocher, une exigence de l’assureur qui se manifeste surtout par des sirènes stridentes déclenchées par un courant d’air ou un animal. Chaque fausse alerte érode la confiance, agace le voisinage et, de plus en plus, coûte cher en amendes municipales. On en vient à se demander si ce dispositif est autre chose qu’un gadget bruyant, une source de stress plus qu’une véritable protection contre les intrusions.
La discussion se concentre souvent sur le choix entre la télésurveillance et une alarme locale, ou sur le nombre de détecteurs de mouvement à installer. Ces éléments sont importants, mais ils ne sont que des pièces d’un puzzle bien plus vaste. La véritable question, celle qui sépare un système amateur d’une solution professionnelle, n’est pas « détecte-t-il ? » mais « comment et pourquoi détecte-t-il ? ». La performance ne se mesure pas au volume de la sirène, mais à l’intelligence du système à qualifier une menace réelle.
Mais si la clé n’était pas d’ajouter plus de capteurs, mais de les orchestrer pour qu’ils se valident mutuellement ? Cet article adopte la perspective d’un consultant en sécurité. Nous allons déconstruire l’idée de l’alarme-gadget pour bâtir le concept d’un écosystème de sécurité. L’objectif est simple : vous donner les outils pour concevoir un système qui ne se contente pas de faire du bruit, mais qui analyse, qualifie et déclenche une réponse appropriée, minimisant les fausses alertes et maximisant votre protection.
Nous explorerons ensemble les piliers d’un système fiable, du choix stratégique des détecteurs à la conformité légale de votre installation de vidéoprotection au Québec. Ce guide pratique vous permettra de dialoguer avec les installateurs, de comprendre les technologies et de prendre des décisions éclairées pour transformer votre sécurité d’une dépense réactive à un investissement stratégique.
Sommaire : Concevoir un système d’alarme anti-intrusion intelligent pour votre PME
- Le secret des systèmes d’alarme fiables : la double détection
- Le bon détecteur au bon endroit : l’arsenal de votre système d’alarme
- Alarme locale, télésurveillance ou notification mobile : quelle solution pour quelle situation ?
- L’alarme silencieuse : l’erreur de ne jamais tester votre système
- Quand votre alarme parle à votre maison : la convergence de la sécurité et de la domotique
- Caméra IP, thermique, analogique : le guide pour choisir la technologie adaptée à votre besoin
- La faille de sécurité qui ne coûte rien à exploiter : le talonnage (tailgating)
- Vidéoprotection au Québec : comment voir sans être vu, et surtout, sans violer la loi ?
Le secret des systèmes d’alarme fiables : la double détection
Le principal défaut d’un système d’alarme basique est sa tendance à « crier au loup ». Un seul détecteur de mouvement infrarouge (IR) peut être trompé par un changement de température, un rideau qui bouge ou un animal. Le résultat ? Une fausse alerte. C’est non seulement irritant, mais aussi de plus en plus coûteux. Des municipalités québécoises durcissent leurs sanctions, avec des amendes qui peuvent rapidement atteindre plusieurs centaines, voire des milliers de dollars. Face à cette réalité, l’idée de simplement déconnecter le système pour éviter les frais devient tentante, mais expose l’entreprise à un risque bien plus grand.
La solution professionnelle à ce dilemme est la double détection. Le principe est simple : pour qu’une alarme soit qualifiée de réelle, deux technologies de détection différentes doivent se déclencher simultanément ou dans un court intervalle. Un détecteur « double technologie » combine, par exemple, un capteur infrarouge passif (qui réagit à la chaleur corporelle) et un capteur hyperfréquence (qui détecte le mouvement d’un objet). Un intrus déclenchera les deux, tandis qu’un rayon de soleil ou un courant d’air ne déclenchera que l’un d’eux, filtrant ainsi la fausse alerte à la source.
Cette logique de « qualification de la menace » est le fondement d’un système fiable. Au lieu de simplement réagir à un stimulus, le système analyse la concordance des signaux. Un exemple tragique illustre le coût de l’échec : une entreprise de Drummondville a subi des pertes majeures lors d’un incendie, car le temps de réponse des services d’urgence a été allongé, le système étant connu pour ses fausses alertes fréquentes. Paradoxalement, la hausse de 400% à 733% des amendes pour fausses alarmes pousse certaines PME à renoncer à la télésurveillance, créant une vulnérabilité critique.
Investir dans la double détection n’est pas une dépense superflue, c’est une assurance contre les coûts directs des amendes et les coûts indirects d’une sécurité compromise. C’est la première étape pour transformer un gadget bruyant en un outil de veille intelligent et digne de confiance.
Le bon détecteur au bon endroit : l’arsenal de votre système d’alarme
La double détection est un principe, mais son efficacité dépend de l’application concrète : utiliser le bon outil pour le bon travail. Un entrepôt frigorifique n’a pas les mêmes besoins qu’une boutique avec une grande vitrine. Un système de sécurité professionnel n’utilise pas un seul type de détecteur partout, mais déploie un arsenal spécialisé, orchestré selon une stratégie de défense en profondeur, souvent modélisée par des « cercles de sécurité ».
Ce concept structure la protection en couches concentriques, de l’extérieur vers l’intérieur :
- Le périmètre extérieur : Il s’agit de la première ligne de défense (clôture, terrain, stationnement). L’objectif est de détecter une présence avant même qu’elle n’atteigne le bâtiment. On y déploie des barrières infrarouges actives, des câbles détecteurs sur clôture ou même des radars de détection pour les grandes surfaces.
- L’enveloppe du bâtiment : C’est la peau de votre commerce (murs, portes, fenêtres, toit). Ici, on trouve les traditionnels contacts d’ouverture sur les portes et fenêtres, mais aussi des détecteurs de chocs ou de bris de vitre pour les surfaces vulnérables, et des contacts pour portes de garage industrielles.
- Les zones intérieures : Une fois à l’intérieur, la détection se précise. Les détecteurs de mouvement double technologie sont la norme pour les espaces ouverts, mais des zones critiques comme une salle de serveurs peuvent exiger des capteurs plus spécialisés, surveillant la température, l’humidité ou même la présence d’eau.
Le choix et le positionnement de chaque capteur sont essentiels pour éviter les fausses alertes. Un détecteur de mouvement standard placé face à une fenêtre ensoleillée ou à une bouche de chauffage est une recette pour l’échec. Un consultant qualifiera chaque zone pour y installer le détecteur le plus adapté, transformant votre plan de sécurité en une stratégie proactive plutôt qu’une collection de capteurs réactifs.

L’image ci-dessus illustre la précision requise pour un détecteur industriel. Chaque composant est conçu pour résister à des conditions difficiles et pour discriminer avec fiabilité les menaces réelles des perturbations ambiantes, un détail crucial dans le contexte des PME québécoises.
Plan d’action : auditer votre protection par cercles de sécurité
- Points de contact (Périmètre) : Listez tous les points d’accès à votre terrain. Y a-t-il des détecteurs sur les clôtures (fibre optique) ou pour les stationnements (radars) ?
- Collecte (Enveloppe) : Inventoriez toutes les ouvertures du bâtiment. Les portes industrielles ont-elles des contacts adaptés ? Les murs vulnérables sont-ils protégés par des détecteurs de chocs ?
- Cohérence (Espaces critiques) : Identifiez les zones à haute valeur (salle de serveurs, coffre-fort). Sont-elles protégées par des détecteurs spécialisés (température, humidité) au-delà du simple mouvement ?
- Mémorabilité/Émotion (Corridors et quais) : Repérez les longs passages et zones de chargement. Des barrières infrarouges actives sont-elles en place pour créer des « murs » virtuels efficaces ?
- Plan d’intégration : Confrontez votre inventaire aux risques. Identifiez les « trous » dans vos cercles de sécurité et priorisez les ajouts pour combler les failles les plus critiques.
Alarme locale, télésurveillance ou notification mobile : quelle solution pour quelle situation ?
Une fois qu’une menace est qualifiée avec fiabilité, la question suivante est : que se passe-t-il ? La réponse à cette intrusion définit l’utilité réelle de votre système. Trois grandes options s’offrent aux propriétaires de commerces, chacune avec ses avantages et ses contraintes.
L’alarme locale est la plus simple : une sirène et un gyrophare se déclenchent. Son objectif est de dissuader l’intrus et d’alerter le voisinage. C’est une solution peu coûteuse mais limitée : elle repose sur l’hypothèse que quelqu’un entendra l’alarme et décidera d’intervenir. Dans une zone industrielle déserte la nuit, son efficacité est quasi nulle.
La notification mobile est l’évolution moderne. En cas d’alerte, vous recevez un message, une photo ou un court clip vidéo sur votre téléphone. Cela vous donne le contrôle et la capacité de vérifier à distance. Cependant, cette solution vous transfère l’entière responsabilité. Serez-vous toujours disponible pour recevoir l’alerte ? Serez-vous en état de juger de sa validité et d’agir en conséquence à 3 heures du matin ?
La télésurveillance est la solution professionnelle par excellence. L’alerte est transmise à un centre de surveillance certifié, où des opérateurs sont formés pour analyser la situation et suivre une procédure établie : appeler les contacts, envoyer un agent de sécurité pour vérification (levée de doute) ou contacter directement les services d’urgence. C’est la seule option qui garantit une réponse 24/7. De plus, pour certains risques, elle n’est pas une option mais une obligation. Comme le souligne le Fire Monitoring of Canada, la conformité aux normes est stricte :
Les normes ULC-S561 et ULC-S301 exigent que les signaux d’alarme incendie soient transmis au service d’incendie dans un délai maximum de 30 secondes, sans pré-vérification.
– Fire Monitoring of Canada, Guide de conformité CAN/ULC-S561
Cette obligation légale pour les alarmes incendie illustre un point clé : le choix de la réponse n’est pas qu’une question de préférence, mais aussi de conformité et d’exigences des assureurs. Les certifications ULC sont le standard de référence au Canada, et comprendre leur signification est crucial pour tout propriétaire d’entreprise.
Le tableau suivant, basé sur les informations fournies par les programmes de certification ULC, démystifie les principales normes applicables à la télésurveillance commerciale.
| Norme ULC | Application | Exigences clés | Impact sur les assurances |
|---|---|---|---|
| ULC-S561 | Centres de réception d’alarme incendie | Transmission en 30 secondes max, redondance requise | Réduction de prime jusqu’à 20% |
| ULC-S301 | Configuration des centrales d’alarme | Centre d’opération temporaire obligatoire dès 2021 | Exigé par la plupart des assureurs commerciaux |
| ULC-S302 | Installation systèmes anti-intrusion | Tests annuels aléatoires par ULC | Condition pour certaines polices |
L’alarme silencieuse : l’erreur de ne jamais tester votre système
Installer un système de sécurité sophistiqué et ne jamais le tester est comme acheter une voiture de course et la laisser au garage. Pire, c’est croire qu’elle démarrera le jour de la compétition. Un système d’alarme est un assemblage complexe de capteurs, de câbles, de batteries et de logiciels. Chaque composant peut tomber en panne, se dérégler ou devenir obsolète. Sans maintenance régulière, votre investissement se transforme lentement en une « alarme silencieuse » : un système qui ne se déclenchera pas le jour où vous en aurez réellement besoin.
La maintenance ne se résume pas à épousseter les détecteurs. Un programme professionnel, souvent exigé pour maintenir une certification ULC, suit un calendrier rigoureux de vérifications pour garantir que chaque maillon de la chaîne de sécurité est opérationnel. Cela inclut non seulement les détecteurs, mais aussi la communication avec la centrale, l’autonomie des batteries de secours et le temps de réponse global.

Un technicien qualifié ne fait pas que vérifier le fonctionnement ; il anticipe les pannes. Il s’assure que le système est non seulement actif, mais aussi efficace et conforme aux normes en vigueur, qui évoluent constamment. La maintenance est un processus continu, pas un événement ponctuel. Un calendrier de maintenance typique, aligné sur les exigences professionnelles, ressemble à ceci :
- Tests hebdomadaires : Vérification de la communication entre votre panneau et la centrale de télésurveillance, et test d’un détecteur choisi de manière rotative.
- Tests mensuels : Un « walk-test » complet où chaque détecteur du système est activé pour confirmer sa détection. C’est aussi l’occasion de vérifier l’état des batteries de secours.
- Tests trimestriels : Simulation d’une alarme réelle pour chronométrer l’ensemble de la chaîne de réponse, de la détection à la notification ou à l’appel de la centrale.
- Tests annuels : Une inspection complète certifiée (par exemple, selon la norme ULC-S536 pour les systèmes incendie), qui génère un rapport de conformité essentiel pour les dossiers d’assurance.
Considérer la maintenance comme une dépense facultative est une erreur critique. C’est la discipline qui garantit que votre écosystème de sécurité sera plus qu’une illusion rassurante. C’est ce qui assure que le jour d’une intrusion réelle, votre système ne restera pas silencieux.
Quand votre alarme parle à votre maison : la convergence de la sécurité et de la domotique
L’écosystème de sécurité moderne ne vit plus en vase clos. La convergence avec la domotique et les systèmes informatiques de l’entreprise ouvre des possibilités immenses, mais aussi de nouvelles portes d’entrée pour les menaces. Lorsque votre système d’alarme est connecté au réseau pour vous envoyer des notifications ou pour être contrôlé à distance, il devient une cible potentielle pour les cyberattaques, tout comme votre serveur de courriels.
L’avantage de cette convergence est indéniable. Une alarme intrusion peut automatiquement allumer toutes les lumières, verrouiller certaines portes et afficher les flux des caméras concernées sur un écran. Cette orchestration intelligente renforce la sécurité et facilite la gestion. Cependant, chaque appareil connecté est un maillon qui peut être piraté s’il n’est pas correctement sécurisé. Une caméra IP avec un mot de passe par défaut ou un panneau d’alarme connecté à un Wi-Fi non sécurisé peut devenir le cheval de Troie d’un pirate.
Les PME sont des cibles de choix, souvent perçues comme moins bien protégées que les grandes entreprises. Le coût de ces attaques n’est pas négligeable. Une étude de la FCEI de 2024 révèle que les PME canadiennes subissent en moyenne 7 800 $ de pertes par incident de fraude. Les systèmes connectés mal configurés sont une voie royale pour les attaquants.
La protection de cet écosystème convergent repose sur des principes de cybersécurité fondamentaux. Une analyse de MicroAge sur la situation au Québec met en lumière que, si la majorité des attaques réussies proviennent de l’hameçonnage, la sécurisation du réseau est la meilleure défense. Pour un système d’alarme et de caméras connectées, cela se traduit par des mesures concrètes :
- Segmentation du réseau (VLAN) : Isoler les équipements de sécurité (caméras, alarme) sur un réseau virtuel séparé du reste de votre réseau d’entreprise. Ainsi, même si un ordinateur de bureau est compromis, l’attaquant ne peut pas accéder directement au système de sécurité.
- Mots de passe forts et uniques : Bannir les mots de passe par défaut (« admin », « 1234 ») sur tous les équipements.
- Mises à jour régulières : Appliquer systématiquement les mises à jour de micrologiciel (firmware) fournies par les fabricants pour corriger les failles de sécurité découvertes.
- Protocoles chiffrés : S’assurer que la communication entre vos appareils et avec l’extérieur (pour les notifications mobiles) utilise des protocoles de chiffrement robustes (HTTPS, TLS).
La convergence est une force, à condition de la maîtriser. Un système de sécurité intelligent est aussi un système cyber-résilient.
Caméra IP, thermique, analogique : le guide pour choisir la technologie adaptée à votre besoin
La vidéosurveillance est un complément essentiel à un système d’alarme, offrant une capacité de vérification visuelle (levée de doute) inégalée. Cependant, le terme « caméra de surveillance » recouvre une vaste gamme de technologies, et choisir la mauvaise peut rendre votre investissement inutile, surtout face aux conditions climatiques extrêmes du Québec.
La technologie analogique, bien que de moins en moins courante, survit grâce à son faible coût et sa simplicité. Elle est cependant limitée en résolution et en fonctionnalités. La caméra IP est aujourd’hui la norme. Offrant une haute résolution, une alimentation par le câble réseau (PoE) et des fonctionnalités intelligentes (analyse vidéo), elle est extrêmement polyvalente. Son principal talon d’Achille, cependant, est sa dépendance à la lumière visible. Une tempête de neige, un brouillard épais ou une obscurité totale peuvent la rendre complètement aveugle.
C’est là qu’intervient la caméra thermique. Elle ne « voit » pas la lumière, mais les signatures de chaleur. Pour la surveillance périmétrique d’un grand entrepôt ou d’un stationnement, elle est redoutable. Un intrus, dont le corps est plus chaud que l’environnement, apparaîtra comme une silhouette lumineuse, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il fasse nuit noire. Son coût est plus élevé et sa résolution plus faible (elle ne permet pas d’identifier un visage), mais sa capacité de détection est inégalée dans des conditions difficiles.
Enfin, les caméras PTZ (Pan-Tilt-Zoom), souvent dotées d’intelligence artificielle, peuvent surveiller activement de vastes zones, suivre automatiquement des sujets et zoomer sur des détails. Elles sont idéales pour une surveillance active, mais nécessitent souvent un boîtier chauffant et un essuie-glace pour fonctionner de manière fiable durant l’hiver québécois. Le choix de la technologie est donc un compromis entre le coût, les conditions environnementales et l’objectif de surveillance.
Ce tableau comparatif résume les forces et faiblesses de chaque technologie dans le contexte spécifique du Québec.
| Type de caméra | Conditions optimales | Limites au Québec | Coût relatif |
|---|---|---|---|
| IP standard | Intérieur, éclairage stable | Inefficace par tempête de neige | $ |
| Thermique | Détection périmétrique 24/7 | Coût élevé, résolution limitée | $$$$ |
| PTZ avec AI | Surveillance active grandes zones | Nécessite boîtier chauffant | $$$ |
| Hybride IR/visible | Polyvalence jour/nuit | Performance réduite par poudrerie | $$ |
La faille de sécurité qui ne coûte rien à exploiter : le talonnage (tailgating)
Vous pouvez avoir le système de contrôle d’accès le plus sophistiqué, avec des cartes à puce et des lecteurs biométriques, mais il possède une faille que même un amateur peut exploiter sans aucun outil : la politesse humaine. Le talonnage (ou « tailgating ») consiste simplement à suivre de près une personne autorisée qui vient de franchir une porte sécurisée, profitant de son ouverture pour s’engouffrer derrière elle. La personne autorisée, par courtoisie, tiendra souvent la porte, neutralisant ainsi des milliers de dollars de technologie.
Cette technique d’ingénierie sociale est redoutablement efficace car elle exploite un comportement humain naturel. Elle est particulièrement dangereuse dans les PME, qui représentent l’écrasante majorité du tissu économique canadien. Comme le souligne André Boucher, Chef de la sécurité de l’information à la Banque Nationale, leur vulnérabilité est un enjeu majeur :
Les PME représentent près de 98% de toutes les entreprises au Canada et sont particulièrement vulnérables car elles peuvent servir de porte d’entrée aux acteurs de menaces qui ciblent les grandes sociétés clientes.
– André Boucher, Chef de la sécurité de l’information, Banque Nationale
Cette vulnérabilité est d’autant plus grande que près de 98% des entreprises canadiennes sont des PME, ce qui en fait une cible privilégiée. La lutte contre le talonnage combine sensibilisation du personnel et solutions technologiques. La première étape est de former les employés à ne jamais laisser entrer une personne qu’ils ne connaissent pas, même si elle a l’air d’un livreur ou d’un technicien, et à toujours utiliser leur propre badge.
La technologie peut également renforcer cette politique. Des solutions anti-talonnage existent pour automatiser le contrôle du passage unique :
- Sas de sécurité unipersonnels : Ces cabines ne permettent le passage que d’une seule personne à la fois, utilisant souvent des capteurs de poids pour détecter toute surcharge. Ils offrent le plus haut niveau de sécurité pour les zones très critiques.
- Couloirs de contrôle d’accès : Équipés de barrières optiques infrarouges, ces systèmes comptent le nombre de personnes qui passent après une autorisation et déclenchent une alerte si plus d’une personne est détectée.
- Alertes discrètes : Le système peut être configuré pour envoyer une alerte silencieuse avec une photo au poste de sécurité si un passage non autorisé est suspecté, permettant une intervention non conflictuelle.
- Systèmes de gestion des visiteurs (VMS) : En numérisant l’enregistrement des visiteurs et en leur attribuant des droits d’accès limités dans le temps et l’espace, un VMS rend toute personne sans badge immédiatement suspecte.
Le talonnage démontre que la sécurité n’est pas qu’une affaire de technologie, mais un écosystème incluant les processus et, surtout, les humains.
À retenir
- La fiabilité d’un système d’alarme ne vient pas du volume de sa sirène, mais de sa capacité à qualifier une menace via la double détection pour éviter les coûteuses fausses alertes.
- Un système professionnel est un écosystème de capteurs spécialisés, déployés en « cercles de sécurité » (périmètre, enveloppe, intérieur) et adaptés au contexte québécois (climat, risques).
- La convergence avec la domotique et les réseaux IP expose les systèmes de sécurité à des cyber-risques, rendant la segmentation réseau (VLAN) et une hygiène de mots de passe non négociables.
Vidéoprotection au Québec : comment voir sans être vu, et surtout, sans violer la loi ?
Déployer le meilleur écosystème de sécurité technologique est une chose. S’assurer qu’il est légal en est une autre. Au Québec, la vidéosurveillance dans un contexte professionnel est strictement encadrée par la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé et les directives de la Commission d’accès à l’information (CAI). Filmer n’importe où, n’importe comment, peut exposer votre entreprise à des poursuites et rendre vos enregistrements irrecevables comme preuve.
Le principe fondamental est celui de la proportionnalité. La surveillance doit être justifiée par un objectif sérieux et légitime (prévenir le vol, assurer la sécurité des employés), et elle doit être le moyen le moins intrusif d’atteindre cet objectif. Par exemple, installer une caméra dans une salle de repos pour surveiller les pauses des employés serait jugé disproportionné.
L’obligation de transparence est un autre pilier. Vous devez informer clairement les personnes qu’elles sont filmées. Cela se fait par une signalisation visible et une politique de vidéosurveillance claire, accessible aux employés, qui précise les objectifs de la surveillance, les zones couvertes, la durée de conservation des enregistrements et qui y a accès. Le consentement des employés est généralement considéré comme implicite lorsqu’ils travaillent dans des zones clairement identifiées comme étant sous surveillance.
Les zones d’installation sont également réglementées. La surveillance est généralement acceptée dans les lieux publics ou accessibles à un grand nombre de personnes (entrées, aires de caisse, entrepôts, stationnements). En revanche, elle est formellement interdite dans les lieux où l’on s’attend à un haut degré de vie privée, comme les salles de bain, les vestiaires ou les cabines d’essayage. Des zones comme les cafétérias ou les salles des employés sont des zones grises où la justification doit être particulièrement solide. Penser qu’on est « chez soi » dans son entreprise et qu’on peut filmer partout est une erreur légale majeure.
Enfin, la gestion des enregistrements est cruciale. Ils contiennent des renseignements personnels et doivent être protégés. La CAI recommande une durée de conservation maximale de 30 jours, sauf si une enquête est en cours. Au-delà, ils doivent être détruits de manière sécuritaire. En respectant ce cadre, votre système de vidéoprotection devient un véritable atout de sécurité, et non un passif juridique.
Pour transformer votre système d’alarme en un véritable partenaire de sécurité, l’approche doit être holistique, alliant technologie fiable, processus rigoureux et conformité légale. Passez d’une logique de réaction au bruit à une stratégie de qualification de la menace. Évaluez dès maintenant votre installation actuelle avec ces nouveaux critères pour bâtir un écosystème de sécurité qui protège réellement votre entreprise.
Questions fréquentes sur Votre système d’alarme est-il un gadget bruyant ou un véritable dispositif de sécurité ?
Où puis-je légalement installer des caméras dans mon entreprise au Québec?
Les caméras sont autorisées dans les zones publiques (entrées, caisses, entrepôts) mais interdites dans les espaces privés (salles de bain, vestiaires). Les cafétérias sont une zone grise nécessitant une justification spécifique.
Quelle est la durée de conservation légale des enregistrements?
La Commission d’accès à l’information recommande un maximum de 30 jours sauf enquête en cours. Une politique claire doit être établie et communiquée aux employés.
Dois-je informer mes employés de la vidéosurveillance?
Oui, une signalisation claire est obligatoire et une politique de surveillance doit être accessible. Le consentement implicite s’applique dans les zones publiques de l’entreprise.