Publié le 15 mars 2024

En résumé :

  • Face à un accident, la priorité absolue est le protocole Protéger, Alerter, Secourir (PAS) pour maîtriser la situation immédiate.
  • La gestion administrative (registre, déclaration CNESST) doit être rigoureuse et rapide, mais elle suit toujours le secours à la personne.
  • L’analyse post-accident ne doit jamais chercher un coupable, mais plutôt les défaillances du système pour éviter la récidive.
  • Le rétablissement de la victime et le soutien psychologique de l’équipe sont des aspects humains aussi cruciaux que les démarches légales.

Le bruit strident, puis le silence. Ou un cri. C’est souvent ainsi que tout commence. En tant que gestionnaire de premier niveau, vous êtes sur la ligne de front. La panique est une réaction normale, mais elle est votre pire ennemie. Le réflexe est souvent de penser aux formulaires, à la CNESST, à la production arrêtée. On nous dit qu’il faut remplir des papiers, respecter des délais. C’est vrai, mais ce n’est pas la première étape. Ce n’est même pas la plus importante.

L’erreur fondamentale est de voir la gestion d’accident comme une simple charge administrative. C’est avant tout un test de leadership. Les premières minutes ne déterminent pas seulement l’issue pour la victime, mais aussi la confiance et la culture de sécurité de toute votre équipe pour les années à venir. Oubliez la « chasse au coupable » et la bureaucratie paralysante. La véritable clé n’est pas de cocher des cases pour être conforme, mais d’appliquer une séquence d’actions structurées, calmes et profondément humaines.

Cet article n’est pas une simple liste de formulaires. C’est une feuille de route, bâtie sur l’expérience du terrain. Elle vous guidera, étape par étape, depuis le choc initial jusqu’à l’analyse constructive, en vous donnant les outils pour protéger, secourir, enquêter et, surtout, pour rester humain dans un moment qui ne l’est pas. Nous aborderons les réflexes vitaux, les obligations légales démystifiées, les méthodes d’analyse qui fonctionnent vraiment et, point crucial, la gestion de l’après, pour l’équipe qui reste.

Pour naviguer cette situation complexe, cet article est structuré pour vous accompagner pas à pas, de l’urgence absolue à la prise de recul stratégique. Voici les points que nous allons couvrir.

Sommaire : Gérer un accident de travail au Québec avec méthode et humanité

Protéger, Alerter, Secourir : les 3 réflexes qui sauvent des vies après un accident

Face à l’imprévu, le cerveau humain peut se figer. La seule parade est d’avoir un protocole si ancré qu’il devient un réflexe. Le protocole Protéger, Alerter, Secourir (PAS) est votre ancre. Protéger, c’est d’abord empêcher le suraccident : couper l’alimentation d’une machine, baliser un périmètre, évacuer une zone à risque. Ce n’est qu’une fois la scène sécurisée que vous pouvez vous approcher de la victime. Alerter, c’est appeler les bonnes ressources. Il ne s’agit pas seulement du 911 pour une urgence vitale. C’est aussi connaître le numéro d’Info-Santé (811) pour un conseil médical ou savoir quand le transport par l’employeur est approprié. Secourir, enfin, c’est appliquer les gestes de premiers secours si vous êtes formé, ou simplement parler à la victime, la rassurer, la couvrir. Ne jamais la déplacer, sauf en cas de danger immédiat et imminent. Ces trois actions, dans cet ordre précis, constituent le fondement d’une intervention réussie.

Équipe de premiers secours appliquant le protocole PAS dans un environnement industriel québécois

Ce protocole n’est pas théorique. Chaque étape a des conséquences directes. L’oubli d’une seule peut transformer un incident en tragédie. L’aspect humain du secours, souvent sous-estimé, est fondamental. Une parole rassurante, un contact maintenu, peut considérablement diminuer le choc traumatique de la victime. La gestion de crise commence par cet acte de compassion contrôlée.

Témoignage de Jonathan Plante sur les premières minutes critiques

Jonathan Plante, charpentier-menuisier devenu paraplégique après une chute de 15 pieds en 2007, incarne l’importance cruciale de ces premiers gestes. Dans son cas, l’absence de sécurisation de la zone (pas de garde-corps, une simple planche en guise de passerelle) et de procédures d’urgence claires a mené au drame. Il insiste sur l’importance d’une communication empathique immédiate avec la victime, une chose qui peut tout changer. Son témoignage, utilisé par la CNESST dans des centaines de conférences, rappelle une vérité brutale : « chaque règlement de la CSST est écrit avec du sang ». Cette phrase souligne que derrière chaque procédure se cache une histoire, souvent tragique, qui justifie sa stricte application.

Votre plan d’action d’urgence immédiate

  1. Sécuriser la zone : Couper les machines, établir un périmètre de sécurité, évaluer les dangers résiduels (feu, électricité, produits chimiques). Personne d’autre ne doit être mis en danger.
  2. Évaluer la victime : Sans la déplacer (sauf danger imminent), vérifier son état de conscience, sa respiration. Lui parler, la rassurer.
  3. Alerter les secours appropriés : Urgence vitale ? 911. Besoin d’un conseil médical ? 811. Blessure mineure ? Organiser le transport vers une clinique. Informer immédiatement la direction et le comité de santé et sécurité (CSS).
  4. Documenter et notifier : Inscrire l’événement au Registre d’accidents, d’incidents et de premiers secours. Si l’accident est grave (décès, perte de membre, etc.), aviser la CNESST dans les 24 heures.
  5. Préserver la scène : Après le départ de la victime, ne rien modifier. Prendre des photos, noter l’état des équipements et recueillir les premiers témoignages à chaud.

Déclaration d’accident à la CNESST : le guide pour remplir les bons papiers sans se tromper

Une fois l’urgence maîtrisée et la victime prise en charge, votre rôle de gestionnaire bascule vers l’administratif. Cette phase est tout aussi critique, car une erreur ou un oubli peut avoir des conséquences financières et légales importantes. La première obligation, pour tout événement ayant nécessité des premiers secours, est de l’inscrire au Registre d’accidents, d’incidents et de premiers secours. Ce document est fondamental. Ensuite vient la déclaration à la CNESST via l’Avis de l’employeur et demande de remboursement (ADR). Le délai légal pour un travailleur de déclarer sa lésion est de 6 mois, mais en tant qu’employeur, vous devez agir bien plus vite, notamment en cas d’accident grave (notification sous 24h).

Une des premières responsabilités financières de l’employeur concerne le maintien du salaire. Si l’accident entraîne une absence, l’employeur doit verser une indemnité de remplacement représentant 90% du salaire net pour les 14 premiers jours suivant le début de l’absence. Ce n’est qu’après cette période que la CNESST prend le relais. Comprendre ce mécanisme est crucial pour bien communiquer avec le travailleur et gérer la situation sans friction. Le jargon de la CNESST peut être intimidant, mais il suffit de connaître quelques termes clés pour naviguer le processus avec confiance.

  • ADR (Avis de l’employeur et demande de remboursement) : Le formulaire officiel à remplir en ligne pour déclarer l’accident à la CNESST.
  • IRR (Indemnité de remplacement du revenu) : Le 90% du salaire net versé au travailleur, d’abord par l’employeur puis par la CNESST.
  • Assignation temporaire : Un travail adapté (tâches et/ou horaire modifiés) que vous pouvez proposer au travailleur pendant sa convalescence pour favoriser un retour progressif. C’est une mesure gagnant-gagnant.
  • Consolidation : Le moment où la lésion est jugée stabilisée par un médecin. C’est une étape clé qui détermine la fin des indemnités et l’évaluation des limitations permanentes, s’il y a lieu.
  • TAT (Tribunal administratif du travail) : L’instance d’appel si vous ou le travailleur êtes en désaccord avec une décision de la CNESST.

Arbre des causes, 5 pourquoi, Ishikawa : quelle méthode choisir pour vraiment comprendre un accident ?

L’accident est déclaré. La tentation est de passer à autre chose. Ce serait une erreur grave. La phase d’enquête et d’analyse est celle qui vous permettra de tenir votre promesse : « plus jamais ça ». Mais toutes les méthodes ne se valent pas et ne s’appliquent pas à toutes les situations. Choisir le bon outil est la première étape d’une analyse réussie. Pour un incident simple et direct, comme une chute de plain-pied, la méthode des « 5 Pourquoi » est souvent suffisante. Elle consiste à demander « Pourquoi ? » de manière répétée pour remonter de la conséquence directe à une cause plus fondamentale. C’est rapide et peut être mené par le superviseur et l’opérateur concerné.

Pour des situations plus complexes, comme une panne de machine aux causes multiples, le diagramme d’Ishikawa (ou diagramme en arêtes de poisson) est plus adapté. Il permet de classer les causes potentielles en grandes familles (Matière, Milieu, Méthodes, Main-d’œuvre, Matériel) et de structurer une réflexion d’équipe. Cependant, pour un accident ayant entraîné un arrêt de travail, ou impliquant plusieurs facteurs, l’Arbre des causes est la méthode reine. Elle ne cherche pas une « cause racine », mais reconstruit la séquence logique de tous les faits et défaillances qui ont rendu l’accident inévitable. C’est une méthode rigoureuse, menée par une équipe d’enquête (incluant le CSS), qui met en lumière les défaillances du système dans son ensemble.

Ce tableau, inspiré des guides de la CNESST, peut vous aider à choisir la bonne approche. Comme le montre une analyse des méthodologies d’enquête, l’outil doit être proportionnel à la complexité de l’événement.

Guide de sélection des méthodes d’analyse pour PME québécoises
Type d’accident Méthode recommandée Temps requis Expertise nécessaire
Chute de plain-pied 5 Pourquoi 1-2 heures Superviseur
Panne machine complexe Ishikawa 3-4 heures Équipe technique
Accident multifactoriel Arbre des causes 4-8 heures CSS + Expert SST
Incident sans blessure 5 Pourquoi 30 min Opérateur + Superviseur
Accident avec arrêt de travail Arbre des causes 1 jour Équipe d’enquête

Analyse de l’accident de Jonathan Plante par l’Arbre des causes

L’accident de Jonathan Plante en 2007 illustre parfaitement la nécessité de l’Arbre des causes. Une analyse par les « 5 Pourquoi » se serait peut-être arrêtée à « parce qu’il n’avait pas son harnais ». L’Arbre des causes, lui, révèle un enchaînement de défaillances : absence de garde-corps, planche glacée utilisée comme passerelle, culture de non-port du harnais sur le chantier, pression de productivité, et absence de procédures SST claires. Jonathan témoigne : « Il ne nous aurait fallu que 10 minutes pour construire une rampe solide. Nous avions les matériaux, les outils et les compétences. » Cette analyse systémique a permis d’identifier non pas une, mais 7 défaillances interconnectées, démontrant que la « cause racine » unique est souvent un mythe.

La chasse au coupable : l’erreur d’analyse qui garantit que l’accident se reproduira

L’instinct humain, surtout sous pression, est de trouver une explication simple, un responsable. C’est la « chasse au coupable ». C’est aussi la meilleure façon de s’assurer que l’accident se reproduira. Blâmer un travailleur pour une « erreur d’inattention » ou une « violation de procédure » ferme la porte à toute analyse réelle. Cela envoie un message désastreux à l’équipe : « ne signalez rien, car vous pourriez être le prochain sur la sellette ». Une véritable culture de sécurité repose sur le concept de justice organisationnelle : la conviction des employés que le système est juste et que l’analyse vise à comprendre, non à punir. La nuance est de taille : il ne s’agit pas de tolérer la négligence délibérée, mais de comprendre que 99% des erreurs sont des symptômes d’un système défaillant.

Je ne voyais pas vraiment le danger. Au chantier, à la longue, on finit par apprivoiser, par banaliser les risques. Mais j’ai été chanceux dans ma malchance.

– Jonathan Plante, Conférence sur la santé et sécurité au travail – Portail Constructo

Cette banalisation du risque, évoquée par Jonathan Plante, n’est pas une faute individuelle mais un phénomène de groupe, souvent encouragé implicitement par une culture axée sur la productivité à tout prix. Pour contrer ce biais, le rôle du gestionnaire est de poser les bonnes questions. Il faut passer de questions qui cherchent un coupable à des questions qui interrogent le système.

Contraste visuel entre approche punitive et culture juste en milieu de travail

L’objectif est de créer un environnement où un travailleur peut dire « J’ai eu du mal à suivre la procédure parce que l’équipement était mal placé et que je devais finir vite » sans craindre de sanction. Cette information est de l’or. Elle est la clé pour identifier les vraies améliorations à apporter. Pour y parvenir, voici un guide pratique pour transformer vos questions :

  • ÉVITER : « Pourquoi n’as-tu pas suivi la procédure ? » → PRIVILÉGIER : « Qu’est-ce qui a rendu difficile le respect de la procédure à ce moment-là ? »
  • ÉVITER : « Qui est responsable de cette erreur ? » → PRIVILÉGIER : « Quelles défaillances dans nos méthodes, nos équipements ou notre formation ont permis que cette erreur se produise ? »
  • ÉVITER : « Pourquoi n’as-tu pas porté ton EPI ? » → PRIVILÉGIER : « Y a-t-il quelque chose qui décourage ou complique le port de l’EPI pour cette tâche précise ? »
  • ÉVITER : « Tu aurais dû faire plus attention. » → PRIVILÉGIER : « Comment pouvons-nous modifier cette tâche ou cet environnement pour qu’elle soit intrinsèquement plus sécuritaire, même en cas d’inattention ? »
  • ÉVITER : « C’est une simple erreur humaine. » → PRIVILÉGIER : « Comment notre système a-t-il permis à cette erreur, tout à fait humaine, de se transformer en accident ? »

L’accident est terminé, mais pas ses conséquences : comment gérer l’après pour l’équipe ?

L’ambulance est partie, le rapport est en cours de rédaction. On pourrait croire l’événement clos. C’est faux. Pour l’équipe qui a été témoin, qui a porté secours ou qui se sent simplement concernée, le travail de deuil et de rétablissement ne fait que commencer. Ignorer cet aspect, c’est laisser s’installer la peur, la culpabilité et les rumeurs, trois poisons pour le climat de travail et la sécurité future. Votre rôle de gestionnaire est de prendre en charge ce rétablissement psychologique collectif avec autant de soin que la gestion administrative. Un accident est un traumatisme, et pas seulement pour la victime.

Onze ans plus tard, je constate que c’est la vie d’un paquet de gens qui a changé, pas seulement la mienne.

– Jonathan Plante

Ce témoignage poignant de Jonathan Plante rappelle que les ondes de choc d’un accident se propagent bien au-delà de la personne blessée. Des collègues peuvent développer une hypervigilance, une peur de leur poste de travail, ou au contraire, un fatalisme dangereux. Le silence de la direction est souvent interprété comme de l’indifférence. Il faut donc communiquer, et le faire vite. Un débriefing rapide et structuré permet de reprendre le contrôle du narratif, de tuer les rumeurs et de montrer que la direction est mobilisée. Il ne s’agit pas de donner des détails confidentiels, mais de rassurer, d’écouter et de réaffirmer l’engagement de l’entreprise envers la sécurité de tous.

Le pire est de ne rien faire. Un débriefing, même simple, est toujours mieux que le silence. Voici un script en quatre étapes que vous pouvez adapter pour guider cette rencontre délicate, idéalement dans les 24 heures suivant l’événement.

  1. Réunion factuelle (Information) : Rassemblez l’équipe concernée. « Voici les faits que nous pouvons partager : notre collègue [Prénom] a été victime d’un accident. Il/elle a été pris(e) en charge et nous lui souhaitons un prompt rétablissement. Notre priorité est son bien-être. Une enquête est en cours pour comprendre ce qui s’est passé. » L’objectif est de donner des faits, sans spéculation.
  2. Écoute active (Émotion) : Ouvrez la parole. « Comment vous sentez-vous ? Quelles sont vos préoccupations actuelles ? » Laissez les gens s’exprimer sans jugement. Validez leurs émotions. Le simple fait de pouvoir verbaliser la peur ou l’inquiétude est un puissant exutoire.
  3. Tuer les rumeurs (Clarification) : Adressez les fausses informations si vous en entendez. « Je comprends cette inquiétude, mais voici ce que nous savons avec certitude pour le moment. Nous nous engageons à vous tenir informés des conclusions de l’enquête dès que possible. »
  4. Réengagement sécurité (Action) : Terminez sur une note constructive. « Nous allons apprendre de cet accident pour que cela ne se reproduise plus. En attendant les conclusions, voici les mesures de précaution immédiates que nous mettons en place. Votre sécurité est et reste notre priorité absolue. »

Plus qu’une question de fiabilité : comment la maintenance préventive est un pilier de votre sécurité

Souvent, l’analyse d’un accident pointe vers une défaillance matérielle : une garde de protection manquante, un frein usé, un système d’arrêt d’urgence défectueux. Ces problèmes ne surgissent pas de nulle part. Ils sont presque toujours le résultat d’une lacune dans la maintenance préventive. On perçoit souvent la maintenance comme un enjeu de productivité et de fiabilité : on entretient les machines pour qu’elles ne tombent pas en panne. C’est une vision incomplète et dangereuse. La maintenance est avant tout un pilier de la sécurité. Chaque équipement de protection, qu’il soit collectif (un garde-corps) ou intégré à une machine (un capteur de sécurité), doit être considéré comme un équipement critique dont la défaillance peut directement causer un accident.

L’investissement dans un programme de maintenance préventive rigoureux n’est pas une dépense, mais une assurance. Au Québec, les coûts indirects d’un accident (perte de productivité, remplacement, formation, impact sur le moral) sont estimés à plusieurs fois les coûts directs pris en charge par la CNESST. Certains accidents graves peuvent entraîner des pertes colossales; un accident causant des dégâts matériels de 206 159 $ ou plus n’est malheureusement pas une exception. Intégrer la vérification des dispositifs de sécurité dans les tournées de maintenance régulières est donc une mesure de diligence raisonnable incontournable. Il ne suffit pas que la machine fonctionne, il faut qu’elle fonctionne de manière sécuritaire.

Le Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST) est très clair sur ces obligations. La responsabilité de l’employeur est de s’assurer que les équipements sont non seulement installés, mais maintenus en bon état de fonctionnement. Cela passe par des inspections régulières, dont la fréquence dépend de la criticité de l’équipement.

  • Vérification hebdomadaire : Gardes de protection et dispositifs de sécurité des machines (capteurs, barrières immatérielles).
  • Vérification quotidienne : Boutons d’arrêt d’urgence et leur accessibilité. Sont-ils bien visibles et non obstrués ?
  • Vérification mensuelle : Intégrité des systèmes de cadenassage et d’étiquetage. Les cadenas sont-ils fonctionnels, les étiquettes lisibles ?
  • Inspection trimestrielle : État des équipements de protection collective comme les garde-corps, les filets de sécurité, les ancrages.
  • Test annuel : Bon fonctionnement des alarmes, douches d’urgence, lave-yeux et trousses de premiers secours.
  • Formation continue : La meilleure maintenance est celle faite par les opérateurs eux-mêmes. Les former à détecter les anomalies (bruits, vibrations, fuites) est la première ligne de défense.

La gestion disciplinaire qui tient la route : la méthode en 4 étapes

C’est la question que tout gestionnaire se pose à un moment ou à un autre : et si l’accident est dû à une violation délibérée d’une règle de sécurité ? La tentation de sanctionner immédiatement est forte. Pourtant, une gestion disciplinaire précipitée est la quasi-garantie d’une contestation devant le Tribunal administratif du travail (TAT). Pour qu’une mesure disciplinaire soit valide, elle doit être juste, proportionnelle et, surtout, parfaitement documentée. La justice organisationnelle exige que le processus soit rigoureux et distinct de l’enquête SST. L’objectif de l’enquête SST est de comprendre les défaillances du système; celui de l’enquête disciplinaire est d’évaluer la responsabilité individuelle face à une règle connue.

Documentation et processus d'enquête équitable en environnement industriel

Le fardeau de la preuve repose sur l’employeur. Vous devez être capable de démontrer que le travailleur a commis une faute, et non une simple erreur de jugement. La distinction est cruciale. Une faute implique la violation consciente d’une règle claire, communiquée et appliquée de manière constante. C’est pourquoi la documentation est votre meilleure alliée. Sans preuve de formation, sans règle écrite, sans avertissements antérieurs pour des faits similaires, votre dossier est fragile. Il est également fondamental de rappeler un principe de base du droit du travail québécois.

Un employeur ne peut pas vous congédier parce que vous êtes victime d’un accident du travail.

– Éducaloi, Guide sur les droits des travailleurs accidentés au Québec

La sanction, si elle est justifiée, ne punit pas la blessure, mais bien le manquement qui y a conduit. Pour mener ce processus délicat, une méthode en quatre étapes s’impose :

  1. Enquête factuelle séparée : Menez une enquête disciplinaire distincte de l’enquête SST. Recueillez des faits objectifs, des témoignages, des preuves matérielles. Le travailleur visé doit avoir l’occasion de donner sa version des faits, souvent en présence d’un représentant syndical.
  2. Évaluation de la faute : Analysez les faits. S’agit-il d’une simple erreur, d’une négligence, ou d’une violation délibérée et répétée ? La règle était-elle connue ? Avait-il les moyens de la respecter ? La sanction doit être progressive et proportionnelle à la gravité de la faute.
  3. Documentation solide : Assemblez votre dossier. Avez-vous la preuve que le travailleur a été formé sur la règle en question ? La règle est-elle écrite et accessible ? Y a-t-il eu des avertissements antérieurs pour ce travailleur ou d’autres sur le même sujet ?
  4. Communication de la sanction : Rencontrez le travailleur pour lui communiquer la décision et ses motifs. Le message doit être clair : la sanction vise à corriger un comportement à risque pour protéger l’individu et le collectif, et non à punir la personne.

À retenir

  • Le protocole Protéger, Alerter, Secourir (PAS) est la séquence d’action non-négociable à appliquer immédiatement après un accident, avant toute autre considération.
  • Une analyse d’accident efficace ne cherche jamais un coupable, mais plutôt les causes systémiques (organisation, formation, équipement) qui ont rendu l’erreur humaine possible.
  • La gestion post-accident ne s’arrête pas à la victime ; le soutien psychologique de l’équipe et une communication transparente sont essentiels pour maintenir la confiance et la culture de sécurité.

Le droit du travail au Québec : plus qu’une contrainte, un guide pour bien manager

En conclusion, la gestion d’un accident de travail au Québec est un microcosme de toutes les facettes du management. Elle vous confronte à l’urgence, à l’administratif, à l’analyse, à l’humain et au légal. Voir la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) et la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) comme de simples contraintes est une perspective limitée. En réalité, ces lois constituent un guide pour un management diligent et humain. Elles vous rappellent vos obligations fondamentales : fournir un environnement de travail sécuritaire, former vos employés, enquêter sur les incidents et protéger vos équipes.

L’enjeu est particulièrement important avec les nouvelles générations qui entrent sur le marché du travail. Les statistiques sont éloquentes : chaque jour au Québec, environ 30 jeunes de 24 ans et moins sont victimes d’un accident du travail. Cette vulnérabilité souligne la responsabilité accrue des gestionnaires de premier niveau dans l’accueil, la formation et la supervision de ces travailleurs moins expérimentés. La culture de sécurité que vous instaurez a un impact direct sur leur avenir professionnel.

Enfin, n’oubliez jamais que votre responsabilité peut, dans les cas les plus graves, devenir criminelle. La loi C-21 (ou loi Westray) a modifié le Code criminel canadien pour tenir les organisations et leurs représentants criminellement responsables de négligence causant des lésions corporelles ou la mort. Démontrer sa « diligence raisonnable » n’est pas une option, c’est une obligation légale qui se construit chaque jour, par des actions concrètes : des inspections régulières, des formations documentées, des analyses d’incidents sérieuses et des actions correctives suivies. Gérer un accident avec méthode, c’est aussi la dernière étape pour prouver cette diligence.

La loi C-21 et la négligence criminelle : leçons du terrain

Le cas de Jonathan Plante, survenu avant le renforcement de la loi, illustre les risques de la négligence : son employeur avait connu plusieurs accidents similaires sans mettre en place de mesures correctives suffisantes. Aujourd’hui, la prise de conscience des implications légales et humaines a fait évoluer les mentalités dans l’industrie de la construction québécoise, comme le constate Jonathan après des centaines de conférences : « Il y a 11 ans, on ne voyait jamais de couvreur s’attacher. Aujourd’hui, la moitié des gars s’attachent. » Cette évolution, bien que lente, montre que la combinaison de la loi, de la prévention et des témoignages percutants peut transformer durablement une culture de travail.

En appliquant cette approche structurée, vous transformez une crise subie en une opportunité de renforcer votre leadership, d’améliorer vos processus et de bâtir une culture de sécurité plus forte et plus juste pour tous.

Questions fréquentes sur la gestion d’un accident de travail au Québec

Rédigé par Isabelle Girard, Forte de 20 ans d'expérience en gestion de la sécurité et des mesures d'urgence, Isabelle Girard est une consultante reconnue pour son approche terrain et sa maîtrise des situations critiques. Ancienne gestionnaire dans le secteur public, elle conçoit des plans de sécurité physique et de réponse aux crises qui fonctionnent sous la pression.